Résumé
Six des vingt titres de Roger Ferlet sont ceux d'œuvres ardéchoises : quatre romans : "De la soie dans les veines" et la classique trilogie, "Ardesco", "La Madrague" et "Valentine", couronnés par deux albums de tourisme : "Le Vivarais" et "Voyage à travers le Vivarais". Personne n'a aussi délicatement chanté, personne n'a aussi puissamment décrit l'antique terre celtique des bords du Rhône. Dans l'histoire de la province, ces parutions marquent le début d'une ère nouvelle. L'Ardèche de la polyculture, l'Ardèche d'une vie paysanne d'équilibre, l'Ardèche de la civilisation de la châtaigne, l'Ardèche d'une race, n'est plus. Le problème est, à présent, de sauver ce qu'on peut encore trouver de son âme. Avec « Valentine », se ferme le triptyque de "La terre vivaroise". Violente et douloureuse, l'évolution de la province marque un temps. C'est le deuxième mariage de Valentine. Après un premier espoir déçu, l'héroïne développe une volonté d'Ardéchoise pour ébaucher des horizons nouveaux. Les symboles fermentent dans ces récits passionnés, gonflant, soulevant, portant les destinées et les poussant à s'épanouir. La belle-mère, Félicie Fonssalègre, a déclenché l'explosion de révolte. Mais son cri de guerre s'est étouffé en affreux sanglots. Cette terrible épreuve de la dépossession, beaucoup de nos montagnards ont dû la subir. Pour eux, partir ou mourir, telle était la dure loi dictée par l'inéluctable évolution économique. La Madrague, dans une folie de reniement, s'est élancée à l'assaut de la croix. Elle en est morte. Christian Fonssalègre a, lui aussi, levé le glaive et, sans l'amour raisonnable de Valentine, il ne pouvait que succomber. Chacun des trois livres, "Ardesco", "La Madrague" et "Valentine", est sous le signe fatidique. Dans le premier, c'est la croix de Rioufol, où Odilon crucifié figure l'expiation ; dans le second, l'agression sacrilège cherche à abattre le divin supplicié et, dans le troisième, Valentine négocie le symbole érigé sur sa terre contre la relaxe de l'homme qu'elle veut épouser. Cette histoire d'une famille est aussi l'histoire du Vivarais moderne dans les affres d'une crise historique. Jamais ce sujet immense de l'évolution parallèle, mais décalée, d'une situation économique périlleuse et des mentalités humaines aveuglées et désemparées, n'avait été traitée avec autant de maîtrise. Livre d'actualité, Valentine prévoit et décrit les soubressauts avant-coureurs de la révolte. La violence entre dans les faits. Elle ne règlera rien. Ce sera l'amour de l'héroïne, écho, prolongement de l'amour rédempteur qui calmera la colère, adoucira les amertumes et ouvrira les voies nouvelles vers un avenir transformé. Roger Ferlet, le résident solitaire du Mas de La Vignasse, dont il a fait un Centre culturel avec musées, bibliothèques, salle de cours, théâtre, sentier botanique, collections de costumes et de meubles... est le mainteneur, au sens complet du terme. Mais, attention, c'est aux populations qui savent s'élancer de leur passé - sans l'oublier ni le détruire - qu'appartiendra le dynamisme du futur. La nostalgie passéiste n'est pas une fin en soi. Ce qui compte, pour sauver son jugement, c'est de réfléchir et de comparer.