La place du mort c'est dans le coffre

Le téléphone vrille l'air : la sonnerie progresse ; un tunnelier dans l'argile collante, il faut trancher entre les os du corps et le radius. Cet endroit plein de tendons, «avez-vous déjà mangé des pieds de porc ?», la question me hante tout le long de l'opération. Je suis mal équipé : un couteau au manche d'argent repoussé que j'ai trouvé dans la boîte à gants de la Falcon 71 de l'éleveur de lombrics... échouée là sur un chemin poudreux à quelques kilomètres de la Panaméricaine, le crâne défoncé et les urubus qui sautillaient en attendant leur tour. «Avez-vous déjà manqué des pieds de porc ?», le pied sur la figure du mort, en extension, sa paume dans la mienne, tirant de toute ma force, j'incise la chair avec la lame d'acier, c'est un couteau de gaucho, il est habitué à trancher la viande des moutons. Le sang brun et épais comme un fond de sauce grand veneur coule le long de mon avant-bras. C'est encore chaud. Les tendons cèdent un à un et je sens la main venir. Je fouille pour contourner les osselets, entre les cartilages. Et puis je sens le poids de la main. Son vrai poids. C'est fascinant. Je la soupèse. On dirait un être lascif, complètement abandonné. Quelque chose d'amical et de compréhensif. La main de Dieu.
Les amis de Johnny Murlote sont tous dangereux. Et pas seulement parce qu'ils sont des fantômes de sang et de fureur. Ils sont dangereux parce que Johnny Murlote a compris une chose : les fantômes existent. Alors Johnny Murlote côtoie des fantômes comme d'autres au XXe siècle écvrivaient des polars : à la chaîne.