Résumé
Durant les six derniers mois de sa vie, Béatrice Douvre concentra l'expérience de sa vie et de son écriture - les deux étant indissociables chez elle - dans un cahier que nous publions aujourd'hui. « Le manuscrit m'obsède, j'y ai mis mon amour, ma vérité, mon vertige », note-t-elle dans ce Journal de Belfort qui est d'abord la transposition poétique d'une liaison douloureuse avec Michel, un homme dont les désirs allaient à d'autres hommes. La jeune femme, bénévole dans une association d'aide aux immigrés, se plonge dans une errance parfois tragique, au fil de rencontres avec des garçons dont certains sont les amants de l'homme qu'elle aime, et aussi avec des femmes qui semblent lui ouvrir des horizons qui auraient pu être libérateurs.
Si la langue de cette chronique amoureuse est poétique, et souvent somptueuse, elle n'en contraste que plus vivement avec le style d'une simplicité bouleversante des pages que Béatrice Douvre consacre ensuite à l'anorexie. D'un coup, avec un réalisme implacable, on découvre comme l'arrière-plan de sa vie, aux heures les plus brûlantes de son amour pour Michel. Le cahier se termine par une série de poèmes, les derniers qu'elle aura écrits dans sa vie trop brève. Comme si, au terme de cette immersion dans la réalité la plus dure, le poète trouvait tout naturellement le langage où enfin il peut atteindre à l'harmonie.
Œuvre d'une intense beauté lyrique, témoignage émouvant sur un amour impossible et sur la malédiction de l'anorexie, ce Journal est marqué étrangement par une pureté contre laquelle aucune souffrance, aucune souillure, ne pouvait avoir prise. Comme l'écrivit Philippe Jacottet, qui rencontra Béatrice Douvre : « C'était, on le devinait tout de suite, une sorte d'elfe diaphane, un être vibratile, trop frêle pour ce monde où les elfes ne peuvent prendre racine, mais seulement flotter à mi-distance entre terre et ciel. »
Le Journal de Belfort est de ces lectures dont on ne sort pas indemne. Entre quête érotique et quête mystique, c'est un texte hanté par la folie et la mort, qui éclaire les poèmes de Béatrice Douvre mais représente aussi un document littéraire et humain incomparable. Il sera, pour les lecteurs qui ne la connaissent pas encore, une véritable révélation.