Résumé
Dans une période particulièrement féconde en grands essais, 1931 est une année elle-même remarquable par l'abondance et la qualité des ouvrages qui paraissent. Est-ce, comme de nombreux auteurs l'affirment, pour célébrer la "fin de l'après-guerre" ? À la volonté d'analyser et de comprendre la période, Benjamin Crémieux ajoute celle de prévoir. Quelles seront les conséquences littéraires, mais aussi - et on serait tenté de dire donc - morales, psychologiques, politiques, de ce courant d'inquiétude qui a traversé les générations depuis la guerre ? Crémieux, avec son optimisme naturel, parie sur une reconstruction brillante et pour cela dresse, comme à son habitude, un panorama des mouvements, des tendances, des auteurs qui contribuent à donner son identité et sa couleur à la période. Sans trancher, il propose des hypothèses, parie sur des possibles, dégage des probabilités. Ainsi, tout ce qui a pu sembler excessif, caricatural, désespéré, voire nihiliste dans la production de l'après-guerre est pour lui, dans le même temps, le terreau d'un grande littérature future, d'un humanisme nouveau, peut-être d'un classicisme refondé. En 1931, ne pouvait-on pas, en effet, croire à la fin de l'après-guerre, et sans faire preuve d'aveuglement parier sur l'unité plutôt que sur la discorde, sur l'Europe et sur la paix plutôt que sur la destruction et le triomphe des nationalismes ? Ce n'est pas sur la littérature que Crémieux se trompe, c'est sur son pouvoir ; elle sera en effet impuissante à empêcher que cet après-guerre rapidement ne se transforme en avant-guerre. Les écrivains quant à eux devront prendre parti, se classer, choisir. Viendra le temps de l'engagement. Cet engagement, Crémieux, l'homme des livres ; le méridional prudent et sceptique ne s'y dérobe d'ailleurs pas, il meurt en déportation en avril 1944. Il nous laisse trop peu de livres et les témoignages d'un intellectuel exemplaire de cette période qui est devenue l'entre-deux-guerres.