Résumé
Emmanuel Tugny pratique la langue italienne depuis toujours avec finesse et doigté.
Récemment traducteur de Pirandello, il redonne ici vie aux textes philosophiques de Giacomo Leopardi, chantre notoire du pessimisme, Schopenhauer, Kafka, Cioran, Corbière ou Thomas Bernhard des Marches, « amant de la mort », à en croire Musset, en restituant pour la première fois au plus près de son étrange et ample prosodie rhapsodique la saisissante musicalité de l'art de l'austère natif de Recanati.
L'on verra ici défiler les oiseaux, le genre humain, la mort, la lune, la mode, Prométhée, l'âme, Colomb, la nature (pas moins et l'on en passe) au coeur d'une forme où mélancolie et déspesoir rencontrent leur curieuse rédemption dans une sorte d'entrain ironiste et dans une aspiration énergétique à l'aventure, à la fréquentation d'un lointain sidéral.
C'est l'énergie formidable, c'est le rire jaune qui triomphe ici de l'abandon au lamento. La poigne tutti frutti du philosophe fait feu de tout bois stylistique pour que du rictus du sage sourde l'appel au grand galop et au grand éclat de rire.
« Allez voir ailleurs si j'y suis : vous m'y trouverez volant et riant haut ! La vie, vraiment, pour indécrottable qu'elle soit, vaut le détour. »
Woody Allen ? Un peu.
Prométhée : Mais dis, au lieu de tuer ces malheureux gosses, il n'aurait pas pu les confier à un ami, à un parent ?
Le domestique : Oui, il aurait pu. Il aurait pu le faire notamment à un proche, auprès de qui il a placé son chien.
Tugny est poly, Tugny est multi.
Et qui mieux que l'auteur-traducteur-musicien-poète-philosophe pour rendre avec le génie et la rigueur voulus ce désespoir inclassablement polymorphe, rigolard et viril ?
Voici venir le trop rare et le très grand Leopardi, celui de Tugny, piétinant, hilare, tapis volant sous le bras, les ruines d'ici-bas !