Résumé
Vers la cinquantaine, en 1921, le Béarnais Francis Jammes fut amené, par des difficultés d'argent, à quitter le pays de sa race pour s'installer à Hasparren, au cœur du Pays basque ; il devait y vieillir, y achever sa vie, y trouver sa tombe. Sans oublier jamais sa ville d'Orthez, son gave, ses plaines de maïs encadrées de pinèdes, il se prit d'amour pour le nouveau paysage, plus austère, plus grandiose et plus net, que l'Eskual-Herria offrait à son goût de contemplateur. Il chérit, entre les collines d'âpres landes, les vallées verdoyantes aux maisons bien blanchies, aux poutres et aux contrevents rouges, les villages coquets, ombragés de platanes et dressant vers le soleil, leurs clochers blancs et bleus, et l'écran aveuglant du fronton des joueurs de pelote. Surtout, il s'éprit de l'âme basque, de sa gravité qui éclate jusque dans la joie et les jeux d'un peuple à la fois rêveur et danseur, aventureux et traditionaliste. Bien qu'il fut séparé du peuple basque par l'ignorance de sa langue, et quelquefois par une mauvaise humeur et une ironie de Béarnais, il le comprit mieux que nul écrivain de langue française ne l'avait encore fait : ni Loti, qui voulut jeter dans les âmes de ces paysans ses angoisses de poète de la mort, ni Rostand, qui ne fit guère que passer parmi eux en touriste fastueux. Bien mieux, si l'on regarde de près la deuxième partie de l'œuvre de Jammes : Le mariage basque, Les quatrains, L'arc-en-ciel des amours, on constate que le poète, sensuel et gentiment balbutiant des premiers recueils et des premiers romans, a gagné en concision du vocabulaire, en précision de la syntaxe, en netteté. Il a reconnu lui-même avoir reçu une leçon du pays qui lui montrait, « à onze heures, cet azur absolument net, cette noirceur incisive des platanes absolument nette, les chemises, pantalons et sandales des joueurs absolument nets, et la pelote découvrant sa courbe absolument nette... » Il n'est pas jusqu'au catholicisme austère, pragmatique, tranquille, et un peu formel, du peuple basque, qui n'ait influé sur la pensée religieuse de Jammes vieillissant, pour donner à sa dévotion on ne sait quel accent de sérénité inébranlable et de dogmatisme intransigeant. Voilà ce que nous apprend, dans un livre plein de vivacité, Jean-Pierre Inda, et il n'est pas indifférent de savoir que ce nom désigne l'abbé bénédictin qui gouverne, à trois lieues d'Hasparren, la pieuse et charmante abbaye de Belloc.