Résumé
Didier Ayres maîtrise de nombreux registres de l'écriture et excelle à les faire coexister dans une même composition musicale, lui conférant ainsi à la fois diversité de rythme et de tonalités. C'est particulièrement le cas dans ce nouveau livre en sept mouvements.
Le premier, Coeurs et couronnes, est une suite de poèmes d'une dizaine de vers et d'une grande puissance évocatrice. Comme ce texte qui ouvre le recueil : « Ce sont sept divinités qui enjambent nos âmes /comme un polygone de cendres / de grands chiens rouges dans le jardin / l'agneau et l'escalier des feux / et toute la fraternité hermétique de la nuit. »
Les cinq mouvements qui constituent le corps du recueil présentent certaines similitudes. Le deuxième mouvement, Les nuits, s'articule en quatre petites suites de trois poèmes : Impression de la blancheur, Fleurs, Offrandes et Trois odes. Très courts, les troisième et quatrième mouvements sont composés de poèmes de deux ou trois vers, comme celui-ci : « C'est une noce de métal / cet olivier et cet autre / dans le néant de nous. » Le cinquième mouvement, Sommeillant, comprend deux suites de poèmes : Chambre en la chambre et Cinq feuillets des jours.
En symétrie avec le début du livre, le sixième et dernier mouvement, Dire ou Par-delà la vaste occupation, est d'une plus grande amplitude. Il comporte deux suites de proses : certaines continues, d'autres discontinues, comme les fragments d'un journal de bord.
De l'une à l'autre comme à travers tous les poèmes, une même acuité de conscience est à l'oeuvre, sans illusion ni complaisance. Ouverte toujours cependant à l'émerveillement. Qu'on lise par exemple le début d'une prose longue : « Être en devoir de. Une fatigue, consentie. Comme pour me préparer à la mort. N'attendre pas, mais être en demeure de. Accepter que cela soit éphémère. Mettre à jour. Et ne pas empêcher la destinée. Savoir que cela ne dépend de rien. Une figure pour la simple beauté d'une figure. Car je n'ai pas de visage. Oui, vaincre. Avec celui-là que j'étais, qui est déjà moi-même. Donner. Représenter l'effet intérieur. Voir. [...] » Ou bien cette brève notation : « Je brûle d'une flamme lente et hivernale. Rien n'a changé depuis les copistes, sinon les lettrines qui renvoient à l'histoire d'écrire. De fait, je n'ai pas de réponse. Je fais le livre comme il vient. Au pire, c'est la mort qui tranche. L'heure est brève, déjà, et qui s'altère. Mon âme est bien calme aujourd'hui, comme patiente. L'espérance qu'il faut tirer comme au milieu du feu. »