Fin de l'histoire

Florence Aubenas, journaliste à Libération depuis vingt ans, et Hussein Hanoun al-Saadi, son interprète-fixeur, sont enlevés non loin de l'Université de Bagdad, le 5 janvier 2005. Tous deux sont retenus en otages pendant près de six mois. Le 11 juin 2005, ils sont remis en liberté. Le mardi 14 juin, une conférence de presse est organisée dans un grand hôtel parisien. Avant de répondre aux questions de l'auditoire, la journaliste se lance dans un long récit circonstancié de trois quarts d'heure.

Ce monologue de l'ex-otage, repris in extenso en italique, constitue l'ossature du livre, sa colonne vertébrale, à laquelle François Bégaudeau va redonner chair et sens, en vingt-cinq brefs chapitres, par un jeu de digressions, commentaires, interprétations, associations d'idées, analogies, souvenirs, propos annexes.

Mais il s'agit d'abord de comprendre pourquoi ce récit est si captivant. Pourquoi et surtout comment, dans son inédite liberté de parole, cette captive-là est parvenue à déjouer les règles oratoires habituelles, à conjurer la solennité macabre de la confession. Tirant les conséquences immédiates de ce constat, François Bégaudeau nous fait entrevoir combien cette parole déchaînée est non seulement libérée, mais surtout émancipatrice. On assiste à une relecture anti-héroïque, à la fois ironique et pudique, de l'événement. Autrement dit à une vision d'un rare humanisme, parce que Florence Aubenas ose s'incarner dans une simple vérité personnelle.

"Quelqu'un s'avance là et c'est une femme.

Mettons qu'on ne fasse que la regarder et l'entendre. Regarder comment elle parle, entendre comment elle raconte. Non pas ce que ça cache mais ce que ça montre. Quelqu'un s'avance là et tout y est. Le monde entier dans sa voix, ses mots, ses mimiques. Pendant que l'Histoire poursuit son chemin héroïque et vain, un précipité de modernité se pose là et c'est une femme."