Résumé
Ce quelque chose qui vous prend aux tripes, mais en même temps vous fait sentir qu'elles ne sont pas que des tripes ; cette vibration unique entre toutes qu'est le poème de Michel Alvès, est-ce Dieu ? Est-ce l'absence de Dieu ? La suprême plénitude ou le vide ultime ? A propos de ce « prince fragile des pauvres » qui dit : « Dévorer sa vie, ne pas même garder les os à ronger ; brûler ses propres pensées en regardant les choses », à propos de cette jeunesse cruelle qui hurle face au monde : « Vous êtes vieux. Vous n'êtes plus », on parlera peut-être de certains mythes célèbres nommés « James Dean », ou de ce beau film qu'a été « A bout de souffle ». Ces rapprochements, s'ils viennent, ne sauraient que faire apparaître encore davantage la grandeur, la puissance et l'originalité profonde de ce poète de vingt ans qui dans la folle prodigalité de son génie a su enrichir ces mythes quelque peu secs et linéaires d'une troisième, d'une quatrième, d'une nième dimension. Entre les barricades, ce livre des extrêmes est tout entier branché sur les « choses premières » ; l'amour, la guerre, l'ivresse, la mort, la maladie, l'orgasme, le suicide, le départ et le retour sont fondus dans le creuset d'une jeunesse brûlante, pure dans ses salissures, débordant de pitié et impitoyable. La transposition poétique de la guerre d'Algérie, transposition puissante de toute guerre et de toute haine, vient à son temps sous la plume de cet écrivain de vingt ans pour qui il n'est « aucune vérité palpable » rien qu' « une suite de fragilités » ; qui hurle sachant « qu'il ne faut jamais en prendre son parti », mais qui n'hésite pas à redire : « Il est damné celui qui refuse l'amour ». Cette transposition tentée, autant que je sache, pour la première fois, cache-t-elle le germe d'une fraternité à naître, d'une fraternité impossible ? Abraham a tué Isaac, et comme Abraham redescendait plein d'amertume, il a croisé un bélier qui rigolait, mais qui rigolait..., raconte Alvès pour qui « le ciel est un terrain vague renversé ». « On ne vit vraiment que dans l'orgasme. Il faut faire un long soleil de ces éblouissements ». Eh bien, Michel Alvès, ce « long soleil » est là, pour moi, et il s'appelle Entre les barricades... Tu as beau assurer que « tous les thèmes sont usés », que l'on « ne pourrait même plus accommoder les restes ». Magicien de mots, tu te méfies des mots et c'est bien comme ça. Tu seras donc gêné si je te dis le fond de ma pensée. Mais tant pis ; on ne saurait enfermer sans fin dans une cage un animal qui s'y débat : Tu as fais un très grand bouquin. Et comme chez toi « le vin meurt aussi », dépêchons-nous de prendre une vodka.