Résumé
Après les témoignages de généraux, de chefs de gouvernement, ou d'hommes politiques, Marcel Peyrouton - qui n'appartint jamais à aucun parti - apporte celui d'un haut fonctionnaire, d'un serviteur de l'État, d'un « grand commis » comme on disait autrefois. Qu'il évoque ses différentes missions, en particulier celles qu'il remplit en Algérie, en Tunisie, au Maroc, et son court passage - d'août 40 à février 41 - à Vichy, où il fut successivement secrétaire général, puis ministre de l'Intérieur, il apparaît toujours comme un constructeur, un ami de l'ordre, qui contribue de toutes ses forces au bien public. Son aventure est singulière. Ministre à Vichy en décembre 1941, il fut le principal agent du renvoi de Laval. Nommé par le général Giraud, en janvier 1943, au Gouvernement général de l'Algérie, il quitta ce poste volontairement, en juin 1943, fut mobilisé sur sa demande, et arrêté en novembre 1943. Il devait passer cinquante cinq mois en prison, et être acquitté par la Haute Cour à la fin de décembre 1948. Avec une parfaite objectivité, il conte ce qu'il fit au ministère de l'Intérieur, ce qu'il vit en Argentine, où il fut ambassadeur et, surtout, nous donne - des rivalités entre les Français d'Alger après le Débarquement - un tableau saisissant. Il écrit des souvenirs, et s'il contribue à l'établissement de la vérité, il n'a pas la prétention d'avoir écrit un livre d'Histoire. Il parle en témoin direct et en acteur. Le chapitre que, sans acrimonie, il consacre à ses « prisons » est, à lui seul, un document d'un rare intérêt. Psychologue, il donne des portraits aigus, et sans aucune complaisance, du maréchal Pétain, du général de Gaulle, du général Giraud, et de ceux qui - avant la guerre de 1914 et entre les deux guerres - l'aidèrent de leur expérience de grands coloniaux. "Du service public à la prison commune" n'a rien d'un plaidoyer pro domo. Le livre a été écrit sans partisanerie, avec le seul désir de découvrir la vérité. Marcel Peyrouton appartient à la génération, arrivée à l'âge d'homme en 1914. celle qui fit la guerre, fut victorieuse et participa, de 1918 à 1939, à la gestion des affaires publiques. Il se range parmi ces réalistes, qui considéraient que la République - telle qu'elle fonctionnait avant 1939 - était un fait patent, tangible, définitif. Au lendemain de la guerre de 1914-1918, Marcel Peyrouton fut chargé de maintenir, par des conférences sur les colonies françaises, l'initiative prise - pendant leur internement - par des prisonniers français et, en même temps, de créer un mouvement d'échanges entre le canton de Neuchâtel, et la Côte d'Ivoire exportatrice de cacao. Un an après, il fut affecté à Madagascar. Il fut l'envoyé spécial de la Dépêche coloniale durant le voyage du Président Millerand en Afrique du Nord. Après un séjour au ministère des Colonies, il effectua une mission au Cameroun et au Togo et, après un stage au Cabinet de MM. Maginot et Piétri, ministres des Colonies, fut nommé, en avril 1930, secrétaire général du Gouvernement général de l'Algérie, alors que les fêtes du Centenaire touchaient à leur fin. Il travailla, pendant trois ans, aux côtés du gouverneur général Carde, et fut nommé - en 1933 - Résident général en Tunisie, où il succédait à M. Manceron. En 1936, Albert Sarraut, quelques semaines avant les élections, l'appelait au poste de Résident général au Maroc. En septembre 1936, il fut élevé à la dignité d'Ambassadeur, et envoyé par M. Léon Blum pour représenter la France en Argentine. Il devait y rester jusqu'en mai 1940. Rappelé d'urgence à Paris, il fut désigné, par M. Paul Reynaud, pour le poste d'Ambassadeur de France à Bucarest, mais les circonstances où se trouvait alors la France lui firent confier, par M. Édouard Daladier, une nouvelle mission en Tunisie, point névralgique directement menacé par l'Italie. Il n'y demeure que quelques mois et, en août 1940, fut appelé à Vichy, où il devait être adjoint comme secrétaire général au ministre de l'Intérieur, M. Marquet.