Résumé
Les poètes se font de l'amour une représentation idéale, où « tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté » (Baudelaire/L'invitation au voyage/Les Fleurs du Mal). Mais, la réalité ne correspondant pas à leurs aspirations, ils éprouvent le besoin d'exprimer ce décalage douloureux. Ainsi, ils présentent l'amour comme un monstre inhumain, qui ne cause que peur, souffrance et désolation. Je n'échappe pas à cette règle, et les textes qui précèdent sont dramatiques, parce que la passion n'y est jamais complètement partagée, parce que l'idéal n'est jamais atteint. Bercé de romantisme, mon cœur s'était fait de l'amour une idée torturée, où la passion était absolutiste, dévorant les corps et les esprits. Mais le XIXe siècle est parsemé de poètes, morts prématurément, parce qu'ils cherchaient à tout prix à vivre leur vision de l'amour et allaient chercher dans les « paradis artificiels », ce que la réalité ne voulait pas leur donner. Le plus souvent, il n'y a pas d'amour dans la poésie, il n'y a qu'un manque d'une certaine idée de l'amour. L'amour n'est douloureux que par son absence. Par définition, être amoureux, c'est aimer l'autre. Or, c'est toujours le besoin d'être aimé que nous voulons faire connaître. C'est un cri, un appel au secours, parce que nous n'avons l'impression d'exister que par rapport aux autres. C'est pour ça que la solitude semble si insupportable. Nous n'aimons pas les autres, nous voulons qu'ils nous aiment. Mais, pour eux, c'est pareil. Alors, l'amour n'existe pas en dehors de l'amour-propre. Tout ce qui précède, je ne l'ai pas vécu, mais je l'ai ressenti en écoutant, en observant, les gens et leurs déceptions face à l'impasse où les conduisait l'amour. Je ne voulais plus de l'amour, parce que je ne voulais plus souffrir. Mais le remède s'est révélé pire que le mal. Voulant me protéger, j'ai fini par ne plus avoir aucun sentiment, ne plus savoir pleurer, ne plus avoir de goût à rien, enterré dans la morosité. C'est alors que j'ai compris que le danger ne vient pas de l'amour, mais de notre façon d'aimer. Aimer, c'est pouvoir admettre d'emblée que cet amour ne puisse pas être partagé, et accorder plus d'importance aux désirs de l'autre qu'à ses propres aspirations. Voilà comment ma vie a retrouvé des couleurs, comment mon cœur a éliminé la douleur, comment ma solitude est devenue acceptable, puisqu'elle ne sera jamais totale, car j'aurai toujours quelqu'un à aimer ; Daniel Balavoine avait raison : « Aimer est plus fort que d'être aimé ».