De l'acédie des moines à l'acédie du travail

L'acédie « professionnelle », mauvaise disposition psychique envers le travail, apparaît plutôt au milieu de la carrière. Une carrière est rarement linéaire et comporte à-coups et arrêts dans sa progression. De plus, après une phase ascendante, elle tend souvent à plafonner puis à décliner. Elle comprend aussi des étapes entrecoupées de transitions plus ou moins déstabilisantes : la crise du milieu de la vie est l'une d'elles. Le doute et la routine s'installent, le travail-plaisir se transforme en travail-déplaisir : surviennent alors la frustration puis l'acédie. Jadis perte de foi théologale, aujourd'hui sentiment d'incomplétude qui ronge la motivation et l'implication, l'acédie traduit une totale perte d'espoir dans une vie professionnelle meilleure. La sensibilité excessive aux intrusions de l'espace psychique par les nouvelles obligations professionnelles, la sensation de pénibilité à suivre la cadence de la rationalité, l'insuffisance de renforcements psychoaffectifs et le manque de visibilité professionnelle donnent à penser au streen, mélange de stress et de spleen. Mais l'acédie est-elle transposable de son milieu traditionnel (le monastère) à l'organisation, et peut-on l'expliquer et y remédier dans le cadre de la gestion des personnes et des âges ? Les études de cas, centrées sur l'histoire professionnelle, présentes dans ce livre montrent que l'acédie est réellement active dans l'entreprise et qu'elle peut perturber l'organisation du travail. Elle apparaît plutôt au cours du vieillissement et son arrivée est prévisible à partir de la quarantaine. Elle n'est pas encore du burn-out ou du bore-out, voire de la dépression, mais peut y mener. Ce qui devrait amener tout manager à réfléchir sur sa prévention pour optimiser les performances individuelles et à mettre à disposition des plus de 40 ans un dispositif approprié de GRH pour lancer leur deuxième carrière.