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Oeuvres. Tome 11
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Librairie Eyrolles - Paris 5e
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Oeuvres. Tome 11

Oeuvres. Tome 11

Henri-François Aguesseau, André - Collection Sciences sociales

716 pages, parution le 01/02/2020

Résumé

Oeuvres de M. le chancelier d'Aguesseau.... Tome 11
Date de l'édition originale : 1759-1789

Le présent ouvrage s'inscrit dans une politique de conservation patrimoniale des ouvrages de la littérature Française mise en place avec la BNF.
HACHETTE LIVRE et la BNF proposent ainsi un catalogue de titres indisponibles, la BNF ayant numérisé ces oeuvres et HACHETTE LIVRE les imprimant à la demande.
Certains de ces ouvrages reflètent des courants de pensée caractéristiques de leur époque, mais qui seraient aujourd'hui jugés condamnables.
Ils n'en appartiennent pas moins à l'histoire des idées en France et sont susceptibles de présenter un intérêt scientifique ou historique.
Le sens de notre démarche éditoriale consiste ainsi à permettre l'accès à ces oeuvres sans pour autant que nous en cautionnions en aucune façon le contenu.
Pour plus d'informations, rendez-vous sur www.hachettebnf.fr

L'auteur - Henri-François Aguesseau

Henri-François d'Aguesseau (1668-1751), magistrat, chef du Parquet au Parlement de Paris, puis chancelier de France en 1717, est plus connu des historiens et des juristes que des philosophes. La législation dont il fut le promoteur et le responsable intellectuel inspire nombre d'articles du code civil.

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Sommaire

TABLE CONTENANT LES SOMMAIRES Des Méditations renfermées dans ce Volume.

  • PREMIERE MÉDITATION. De toutes les questions qui peuvent être agitées parmi les hommes, il n'en est point de plus intéressante pour eux, que celle qu'on entreprend ici d'examiner, parce que de-là dépendent tous les devoirs qui lient les hommes entre-eux. Tout devient flottant & incertain dans la morale, s'il n'y a pas une regle naturelle, immuable, antérieure à toutes les institutions positives, laquelle sépare le juste de l'injuste. Ebranler ce premier principe, c'est fournir des armes à l'impiété, attaquer l'existence de Dieu, ou en défigurer l'idée. Les loix positives ne peuvent tenir lieu de cette justice primitive & éternelle qui en est l'exemplaire & le fondement. Ce n'est pas non plus dans le desir naturel de sa conservation ou de son bien être, que l'homme peut trouver une regle sûre capable de le conduire à travers les écueils & les périls jusqu'à sa véritable destination. Il n'y a qu'une justice naturelle, antérieure à toutes les institutions positives, qui puisse donner la véritable mesure de nos devoirs, & une notion juste des vertus des vices. Objections des ennemis de la loi naturelle: leurs raisons réunies en un systême suivi, & présentées sous le point de vue le plus séduisant. Plan que l'Auteur se propose de suivre dans les Méditations suivantes, pour attaquer pour détruire ce pernicieux systême. Page 1-16
  • SECONDE MÉDITATION. Pspanlosophes de nos jours moins sages & moins religieux pour la plupart que les Poëtes payens. Ils semblent vouloir épargner à la raison la peine de combattre ses pallions; il travaillent à étouffer ou à prévenir des remords, qui sont une salutaire barriere contre les vices. Ce coupable dessein n'est pas celui du Pspanlosophe qui a donné lieu à cet Ouvrage. Mais il n'auroit pas dû décrier la loi naturelle, sous prétexte de mieux établir la nécessité de la révélation Sans le sçavoir ou le vouloir, il favorise ces esprits inquiets & corrompus, qui, en éteignant la lumiere de la justice naturelle, veulent procurer à l'homme la paix ou l'impunité dans ses désordres. Deux objections à résoudre. La premiere prise des doutes affectés ou involontaires des hommes. J'ai des Connoissances claires, distinctes & certaines: elles sont indépendantes de l'opinion, des préjugés & de l'ignorance de mes semblables. Inutilité des fictions imaginées par quelques Pspanlosophes pour attaquer l'idée de la justice naturelle. Leurs raisonnemens fondés sur la diversité des opinions humaines, non-seulement faux, mais ridicules. Nouvelle objection, qui consiste à opposer la conduite du commun des hommes à l'idée de la justice. On en renvoie l'examen & la réponse à la Méditation suivante.16-33
  • TROISIEME MÉDITATION. Est-il vrai que toutes nos facultés sont affectées nécessairement & invinciblement par leur objet? C'est: la supposition qui sert de fondement à la difficulté proposée: supposition hautement démentie par la conscience du genre humain, & pleinement détruite par des raisonnemens clairs & convaincans. Elle tend à anéantir tous nos devoirs, en attaquant la liberté, ce sentiment si intime & si profond dont toutes les subtilités de la dialectique ne sçauroient étouffer l'impression ni obscurcir l'évidence. L'homme examine les diverses impressions qui le frappent: il les compare entr'elles; il préfere tantôt les unes, tantôt les autres: preuve évidente qu'il n'en est pas dominé invinciblement. Si l'on dit que le doute, l'examen, la préférence sont des impressions également nécessaires & invincibles, & que c'est Dieu qui en est l'auteur; c'est donc lui aussi qui produit en nous, par une opération non moins invincible, ce sentiment que nous avons de notre pouvoir pour résister aux impressions qui nous frappent. Dès-lors il faut, ou renoncer au principe des adversaires de la justice naturelle, ou avouer que l'Etre Suprême est contraire à lui-même. Mais si l'on convient que c'est Dieu qui, en qualité de cause universelle & toute puissante, fait en nous toutes choses, comment peut-il être vrai que notre ame n'est pas invinciblement dominée par les diverses impressions qui la frappent? Cette discussion n'est point absolument nécessaire. C'est assez à la rigueur de voir les deux vérités séparément, quoiqu'on ne voie pas le lien qui les unit. Il n'est pourtant pas impossible de les concilier. Dieu a établi dans le monde spirituel un ordre à peu près semblable à celui qu'il suit dans le monde visible: il a établi un ordre de moyens pour éclairer notre esprit & pour déterminer notre volonté, comme il en a établi un pour nourrir notre corps pour le conserver. Sous son opération, aussi douce que puissante, notre ame exerce librement ses facultés: elle examine, doute, donne ou refuse son consentement: elle éprouve à tout moment que toutes les impressions qui viennent du dehors, ne regnent pas absolument sur elle; qu'il y en a une multitude auxquelles elle peut résister, & auxquelles elle résiste effectivement. Enfin quand même on admettroit sans explication & sans réserve, ce principe faux ou inutile que nos facultés sont invinciblement dominées par les objets qui les affectent, on n'auroit pas pour cela le droit d'en conclure que nous n'avons aucune idée du juste & de l'injuste, à moins de joindre au principe plusieurs suppositions également contraires à la raison & à l'expérience. Les raisonnemens dont on se sert pour attaquer l'idée naturelle de la justice, ne sont pas seulement faux, mais pernicieux, puisqu?ils tendent à ébranler tous les principes de la morale, & tout ce qu'il a de plus certain dans les connoissances humaines.33-74
  • QUATRIEME MÉDITATION. Ce n'est pas assez de détruire des erreurs & des préjugés, il faut de plus établir d'une maniere solide le principe sur lequel repose la certitude des connoissances humaines. Nous desirons naturellement de connaître le vrai. Le vrai n'est que ce qui est, comme le faux n'est que le néant, ou ce qui n'est pas. Pour avoir une juste idée de la vérité, il faut la considérer dans sa source, c'est-à-dire, dans Dieu même. Dieu voir dans son essence les idées de tous les êtres possibles. Il voit dans sa volonté tout ce qui a jamais été, & tout ce qui sera jamais. Sa connoissance est toujours également parfaite & consommée en un instant. Le néant n'est pas intelligible par lui-même, mais en connoissant toute l'étendue de l'être, Dieu y voit l'exclusion positive de ce qui n'est pas. Deux degrés dans le néant comme dans l'être: un néant d'idée ou d'essence, d'où naît l'absolue impossibilité, ou la fausseté essentielle & métaphysique: un néant d'existence qui n'exclut que l'être actuel. Dieu connoît le premier dans ses idées, & le sécond dans sa volonté. Si nous cherchons le vrai dans notre connoissance; quelle est la voie qui nous conduit à la vérité? On y parvient par voie d'intelligence ou de perception; par voie d'impression ou de sentiment. Dans l'une & dans l'autre voie, on distingue quatre opérations différentes, qui sont comme autant de stations dans la route de la vérité, l'idée ou le sentiment simple, le jugement, le raisonnement & la méthode. Il en résulte que la vérité consiste à voir, & à bien voir; comme la fausseté consiste à ne point voir, ou à voir mal. Ainsi la connoissance du vrai conserve le même caractere, soit qu'on la considere dans sa perfection originale qui est Dieu, soit qu'on l'envisage dans les intelligences créées; quoi qu?il y ait une distance infinie entre le foible rayon qui éclaire notre esprit & la plénitude de lumiere qui est en Dieu. Quoique votre vue soit foible, nous pouvons nous assurer que nous avons bien vu, & demeurer en repos dans la jouissance de la vérité. Notre connoissance a pour objet ou l'essence des choses ou leur existence. De la diversité des objets, naît la différence des vérités. Vérités du premier ordre qui regardent les idées primitives & originales des êtres: vérités du sécond ordre, qui ont pour objet des effets produits par la seule volonté de Dieu; naturelles ou physiques, si elles font le résultat des loix confiantes de la nature; surnaturelles, si l'opération de Dieu est supérieure à l'ordre de la nature. Vérités du troisieme ordre; ce sont celles qui dépendent de la détermination libre d'une volonté créée; on les appelle des vérités contingentes. Trois moyens pour parvenir à la connoissance de ces vérités. L'attention de notre esprit & les opérations de notre raison pour découvrir les premières. Le rapport de nos sens aidé & soutenu par l'attention de l'esprit, pour arriver aux secondes: enfin le témoignage des autres hommes à l'égard des troisiemes. Nous sommes assurés de posséder la vérité par ce sentiment intérieur, par cet état de repos & de securité où l'esprit ne desire plus, parce que la possession & la jouissance a succédé à l'égitation & aux recherches. Ainsi dans la généalogie de nos pensées, on remonte enfin à une premiere notion qui n'a pour garant de sa vérité, que le sentiment intérieur ou une conscience intime: ce repos intérieur est produit ou par un sentiment simple, comme quand je dis que je pense, que je veux, que j'existe: ou par une perception claire & lumineuse, comme lorsque je suis convaincu de la vérité d'une proposition géométrique; ou enfin par le témoignage de ceux qui, sur le point dont il s'agit, ne peuvent être ni trompés ni trompeurs, comme lorsque Dieu me par le, ou qu'on me dit qu'il y a une ville de Rome. La raison se joint au sentiment pour nous assurer que l'évidence ne sçauroit nous induire en erreur, qu'elle est le caractere infaillible de la vérité, & la regle sûre de nos jugemens. Attaquer ce principe, c'est ouvrir la porte à toutes les absurdités imaginables. Les Pyrrhoniens se sont jettés dans cet abîme, en soutenant que tout est: pour nous environné de ténebres & d'incertitudes; & que de toutes les dispositions de l'esprit humain, un doute universel étoit la plus sage & la plus nécessaire. C'est ce systême qu'on va examiner dans la Méditation suivante.74-128
  • CINQUIEME MÉDITATION. Au lieu de suivre les Pyrrhoniens dans tous les détours subtils où ils aiment à s'égarer, on attaque tout d'un coup leur systême dans son principe, & l'on détruit leurs objections principales qui sont la source de toutes les autres. La première, que l'évidence nous trompe souvent, & qu'elle est plus propre à partager les hommes qu'à les réunir. Pour détruire cette difficulté, on établit trois propositions: des esprits attentifs & pénétrans peuvent appercevoir une évidence véritable là où les autres ne voient qu'une lumiere confuse & incertaine: il y a des vérités à la portée des esprits les plus faibles: il y a des vérités sur lesquelles on n'a jamais vu de partage entre les hommes, Leurs diverses opinions affermissent le regne de l'évidence, bien loin de l'ébranler. Il n'y a pas jusqu'au Pyrrhonien qui ne suive, sans y penser, la regle de l'évidence, dans le temps même qu'il fait les plus grands efforts pour la combattre. Seconde objection des Pyrrhoniens; l'évidence est une regle qu'on ne sçauroit prouver que par elle-même, c'est-à-dire, par un cercle vicieux. Le raisonnement s'unit au sentiment pour repousser cette nouvelle attaque. Cette objection d'ailleurs, bien loin d'affaiblir l'autorité de l'évidence, ne sert qu'à rendre plus sensibles son éclat & sa force. Il en est d'elle comme de la lumiere, qu'on voit dans la lumiere même. Si le sentiment intérieur de l'évidence qui frappe notre esprit pouvoit nous tromper, l'action de Dieu sur notre ame ne seroit qu'une opération d'erreur, & d'une erreur universelle & inévitable. Le Pyrrhonisme ne peut éviter cette conséquence absurde & impie, qu'en niant l'existence d'un Dieu; & quand il pousseroit jusques là l'excès & la folie, il resteroit encore beaucoup de vérités, dont l'évidence fait sur nous une impression vive & invincible. On tourne contre les Pyrrhoniens le principe même sur lequel ils s'appuient, & de conséquence en conséquence on les pouffe aux ab surdités les plus inouies.128-159
  • SIXIEME MÉDITATION. Y a-t-il en nous des connoissances innées, ou sont-elles toutes un bien acquis & le fruit de nos efforts & de nos réflexions? Les connoissances innées, s'il est vrai que nous en ayons de telles, doivent avoir ces trois caracteres: 1°. d'être données comme une fuite & un apanage de notre nature. 2°. D'être données comme un bien gratuit que Dieu distribue immédiatement à tous les hommes indépendamment de toute autre cause. 3°. D'être données & offertes aux hommes dans les momens au moins où elles leur sont nécessaires. Entre les connoissances innées, on en peut distinguer du premier & du sécond ordre. Différens exemples de l'un & de l'autre. Les adversaires des idées innées se plaisent à les revêtir de couleurs fausses & étrangeres pour les rendre méconnoissables. Il n'est pas essentiel à toute idée innée d'être toujours distinctement apperçue: c'est assez, pour mériter ce nom, qu'elle vienne de Dieu immédiatement, qu'elle soit donnée à tous les hommes toutes les fois qu'ils ont besoin de les appercevoir. On explique comment il peut se faire qu'il y ait en nous des connoissances & des sentimens non apperçus. Il n'est pas nécessaire que les connoissances innées soient des idées parfaites, ou qui représentent pleinement leur objet. Il n'est pas nécessaire non plus qu'une idée, pour être innée, soit ineffaçable ou invincible, incapable d'altération ou d'affoiblissement. Il y en a qui jouissent de ce privilege: mais il ne leur est pas absolument nécessaire. De ce que les connoissances innées n'ont point ces fausses prérogatives, il ne s'ensuit pas qu'elles ne soient autre chose que la simple faculté de connoître le vrai, l'on peut encore moins en conclure qu'elles ne soient d'aucun usage à l'homme. Si Dieu n'avoit mis en nous que la simple faculté de connoître le vrai, sans nous donner des connoissances innées qui fussent comme le fondement des opérations de notre ame, ou nous n'aurions fait que d'inutiles efforts pour parvenir jusqu'à la vérité, ou nous n'aurions jamais eu aucune assurance de l'avoir, enfin trouvée.159-244
  • SEPTIEME MÉDITATION. Cette inclination dominante & générale qui nous porte à desirer notre conservation & notre bien-être, n'est autre chose que l'amour-propre. Quel est l'objet, la nature & la route la plus sûre d'un amour-propre conduit par la raison? L'objet de cet amour est tout ce qui peut contribuer à la conservation, à la perfection & au bonheur de notre être. Les voeux ou les efforts que nous saisons pour notre conservation, ne tombent que sur notre corps, tant nous sommes assurés de l'immortalité de notre ame. La perfection de notre corps consiste dans une disposition favorable qui le mette en état de suivre sans résistance l'ordre que Dieu a établi en le créant. La perfection de notre ame n'est autre chose que le bon usage de son intelligence & de sa volonté pour connoître & aimer ce qui est le vrai bien de son être. La perfection de l'homme, considéré comme un tout, est de connoître exactement les deux parties dont il est composé, de bien distinguer leur nature, leurs propriétés, leur usage, leur destination, leur durée, & de mesurer sur cette regle ses sentimens &c ses actions. Le souverain bien est celui dont l'acquisition dépend de notre volonté, dont la possession remplit toute l'étendue de nos desirs, dont la durée égale celle de notre être. La béatitude, qui en est le fruit & l'effet, consiste dans le plaisir ou dans le contentement parfait de notre ame. Si elle suivoit en tout la lumiere de la raison, son plaisir feroit toujours proportionné à la grandeur réelle du bien qui en est la cause. Nul plaisir ne peut être notre bonheur véritable, s'il n'est en notre pouvoir de l'acquérir & de le conserver, s'il n'est assez grand pour satisfaire nos desirs, s'il n'est stable & éternel. Le souverain mal est celui que nous souffrons uniquement par notre faute, qui épuise notre aversion & notre sensibilité, qui n'a point de borne dans sa durée. Ni le bien ni le mal, ni le plaisir ni la peine n'arrivent jamais en ce monde à leur dernier période. Un milieu où l'ame livrée à une absolue insensibilité, n'éprouve ni plaisir ni peine, est un état imaginaire. L'amour est en nous cette inclination dominante & fonciere d'où naissent toutes les autres. Quoiqu'il demeure toujours le même, il prend diverses formes & reçoit des noms différens suivant les divers rapports qu'il a avec son objet. Notre amour est formé sur le modele de celui que Dieu a pour lui-même: c'est un sentiment naturel de complaisance en nous qui tend toujours à s'accroître & à s'étendre, en ajoutant sans cesse à sa perfection & à son bonheur: sentiment qui se nourrit d'abord de sa propre substance, mais qui cherche, quand la raison le conduit, à se rassasier de la Divinité même, en s'unissant intimément à ce souverain bien. Parvenu à ce dernier terme de ses desirs, il n'est plus que l'amour de Dieu pour Dieu même, autant qu'un être borné peut participer à ce sentiment de complaisance que Dieu a en lui-même & dans ses ouvrages. Ainsi le véritable objet qui réunit tous les caracteres de notre souverain bien, & qui est par conséquent notre souveraine béatitude, n'eft autre chose que notre entiere perfection, qui fait que nous nous complaisons parfaitement en nous-mêmes, ou plutôt en Dieu qui nous unit à son être, & qui nous associe à sa félicité. L'unique voie pour tendre sûrement à la félicité, est de travailler à nous rendre parfaits autant que l'exige la destination & la mesure de notre être, sans nous rebuter par les peines & les amertumes dont cette voie est semée. Aveuglement de ceux qui l'abandonnent, pour se jetter dans la route trompeuse des passions. Toute, cette Méditation peut se réduire à quelques propositions aussi simples qu'évidentes: Nous desirons d'être heureux, & ce desir est en nous, naturel, permanent, invincible. Mais puisque nous sommes des êtres raisonnables, nous ne pouvons tendre au bonheur d'une maniere convenable à notre nature, qu'en suivant les lumieres de la raison. Or elle nous montre clairement que c'est dans notre perfection, & dans le plaisir que nous goûtons à la contempler & à en jouir, que consiste notre bonheur, Il n'est donc pas vrai, comme le prétend Hobbes, que l'amour-propre soit par lui-même ennemi de toute regle, qu'il ne tende qu'à en secouer le joug, pour suivre au hasard l'attrait du premier plaisir qui s'offre à sa vue. Vaine objection prise de la conduite ordinaire des hommes. Mais outre l'amour-propre dont on vient de parler, amour direct & immédiat qui s'attache à nous comme à son premier & principal objet: il y a un amour-propre relatif qui tend au même but, mais par un détour. C'est cette seconde espece d'amour-propre qui est le sujet de la Méditation suivante.244-359
  • HUITIEME MÉDITATION. Est-il naturel à l'homme d'aimer ses semblables? ou n'a-t-il reçu de la nature pour eux qu'une indifférence absolue, ensorte qu'il ne se détermine à les aimer ou à les haïr que par accident & suivant que son intérêt l'exige? Pour résoudre ce problême, il faut démêler exactement l'objet, la nature & les caracteres de l'amour & de la haine: il est nécessaire aussi connoître la situation naturelle des hommes comparés les uns avec les autres. Ces deux préliminaires sont l'objet de la Méditation présente. Il n'y a que les êtres placés à côté de moi, c'est-a-dire, les hommes, mes semblables, qui soient proprement l'objet de mon amour relatif: je les considere comme ayant le pouvoir & le vouloir de contribuer à ma perfection & à mon bonheur. Il n'y a que mes semblables non plus qui puissent être l'objet de ma haine. Les hommes font l'objet de mon amour par le bien que je leur fais, autant & souvent plus que par celui que j'en reçois: & ceux à qui j'ai fait du mal, me font souvent plus odieux que ceux de qui j'en ai reçu. Les biens & les maux qui excitent mon amour ou ma haine, peuvent être réels ou imaginaires. C'est une vérité reconnue de tous les hommes, que le bien ne les touche pas à proportion aussi vivement que le mal. Ce sentiment est fondé dans la nature. On distingue dans l'amour, outre le sentiment direct & principal, d'autre sentimens réflécspans ou accessoires qui lui donnent de nouvelles forces & en augmentent le plaisir. Ces sentimens accessoires accompagnent toujours l'amour que j'ai pour mes semblables, soit que cet amour soit excité par la vue du bien qu'ils peuvent me faire, soit qu'il le soit par celle du bien que je leur fais; soit qu'il ait pour fondement & pour motif les qualités & les vertus de ceux qui en font l'objet. Douceur & avantage d'une amitié réciproque. Elle adoucit mes peines: elle augmente mes plaisirs. L'amour ne sçauroit être pénible ni douloureux par lui-même: les peines qui en troublent la douceur, viennent d'une cause étrangère. La haine fait sur mon ame une double impression, l'une triste & l'autre consolante. Les sentimens principaux ou accessoires de la haine, font directement contraires à ceux de l'amour. La haine est malheureuse lors même qu'elle est excitée par des maux réels; plus malheureuse encore quand elle est allumée par des maux imaginaires. Vains adoucissemens qu'elle cherche dans la vengeance ou d'autre sentimens. L'amour pur & sans mêlange est le comble du bonheur: & la haine pure, l'extrémité de la misere. Impressions que l'amour & la haine font sur notre corps; effets qu'ils produisent dans la société: nouvelle preuve que l'homme trouve, sans comparaison, plus de plaisir dans l'amour que dans la haine. On entend ici par le terme d'amour, une pente raisonnable à recevoir des autres hommes les biens qui conviennent à la nature de mon être, & à leur en faire de semblables par quelque motif que ce puisse être, pourvu qu'il se rapporte à ma perfection & à ma félicité. Après le premier préliminaire, on étudie attentivement la situation naturelle de l'homme considéré en lui-même, ou dans les rapports qu'il a avec ses semblables. Sa faiblesse & sa misere dans l'état de solitude, ou il n'a encore aucune liaison avec les autres hommes. S'il s'unit à eux pour suppléer à ce qui lui manque, ce qui se présente d'abord à ses regards, c'est le pouvoir qu'il a sur eux & qu'ils ont sur lui: ce sont les rapports & les liens qui unissent les hommes entr'eux, & les obstacles qui les divisent: les biens qu'ils peuvent attendre, & les maux qu'ils ont à craindre les uns des autres: les moyens par lesquels un particulier peut se procurer les uns & éviter les autres: ces traits développés donnent une juste idée de l'homme considéré au milieu de la société. Avantages & inconvéniens de la société: les biens y sur passent de beaucoup les maux. Six grands canaux par lesquels la société nous communique ses avantages ou nous en assure la possession, sçavoir, la parole & l'écriture, les arts & le commerce, la puissance des armes & la protection des loix. Trois moyens pour se procurer les biens qu'on peut attendre des autres hommes, pour éviter les maux qu'on peut craindre de leur part: la violence, l'artifice & une affection sincere pour eux. Les deux premiers, non seulement inefficaces, mais funestes à celui qui les emploie: le dernier est le seul qui soit raisonnable & constamment utile.359-444
  • NEUVIEME MÉDITATION. Est - ce l'amour ou la haine de l'homme pour ses semblables qui est conforme à sa nature? Divers sens du terme naturel Rien ne mérite ce nom à l'égard de l'homme, que ce qui tend à la perfection & au bonheur de son être. Vivre sélon la nature, c'est d'abord vivre sélon la volonté & l'intention du créateur, qui a marqué à tous les êtres la fin à laquelle ils doivent tendre, & la voie qui peut les y conduire: c'est dans un autre sens, vivre sélon ce qui convient à l'idée que nous avons de la nature des êtres, de l'homme, par exemple, ou suivre en toutes choses la route qui le conduit plus sûrement à sa véritable fin, qui est d'être aussi parfait & heureux que la mesure de son être l'exige. Deux voies pour découvrir cette volonté de Dieu, 1°. l'idée que Dieu nous donne de son être. 2°. La maniere dont nous voyons qu'il ment & dirige ses ouvrages; les rapports qu'il a mis entre les causes & leurs effets, entre la fin & les moyens. Il résulte évidemment, soit de l'idée de Dieu, soit de la maniere dont il a formé & dont il gouverne les hommes, qu'aimer mes semblables, c'est suivre l'impression, le voeu & la destination de la nature. Dieu aime les hommes, l'amour qu'il a pour eux, est un amour gratuit, un amour bienfaisant, un amour constant, un amour enfin qui tend à nous unir à lui pour nous faire jouir de ce bien immense qui est lui-même. Or Dieu veut que je lui ressemble; & c'est sa volonté qui forme l'ordre de la nature, ou qui est la nature même de chaque être: il est donc vrai non-seulement que je dois aimer tous les hommes, mais qu'il m'est naturel de les aimer; &: que pour suivre le voeu ou l'impression de la nature, mon amour pour mes semblables doit, autant qu'il est possible, avoir les mêmes caractères que l'amour divin. Ce n'est pas seulement dans l'idée de Dieu que je découvre cet ordre & cette destination de la nature à laquelle je me conforme en aimant mes semblables: je trouve aussi une preuve sensible de cette destination dans la maniere dont le créateur produit & gouverne ses ouvrages, & l'homme en particulier, dans ce qu'il fait en lui, par lui & pour lui. C'est Dieu qui est le lien & comme le médiateur universel de tout le commerce qui est entre les hommes. Le pouvoir réciproque que nous avons d'agir les uns sur les autres seroit toujours stérile, si Dieu, par son opération, ne le rendoit efficace: nouvelle preuve que je dois aimer mes semblables, & que tel est l'ordre de la nature. Le desir d'être heureux offre plusieurs raisonnemens très-convaincans pour établir la même vérité. De ce principe simple, qu'il est naturel à un être raisonnable de vivre sélon la raison, ou sélon ce que la raison lui représente comme convenable à sa nature, de ce principe, dis je, naissent quatre démonstrations claires & précises contre l'erreur d'Hobbes & de ses partisans. Il me suffit de rentrer dans mon coeur pour y reconnoître une inclination secrette & naturelle, qui me fait chérir la société de mes semblables, soit que je considere celle qui me lie avec tous les hommes en général, soit que je fasse attention à ces sociétés particulières, que le mariage, la parenté, les alliances, l'amitié, l'intérêt d'une commune patrie peuvent former entre les hommes: c'est par un instinct naturel que nous préférons la société à la solitude: raisons de préférence. Un a
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Caractéristiques techniques

  PAPIER
Éditeur(s) Hachette
Auteur(s) Henri-François Aguesseau, André
Collection Sciences sociales
Parution 01/02/2020
Nb. de pages 716
Format 15.6 x 23.4
Couverture Broché
Poids 966g
EAN13 9782329380438

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