La recherche intervention, menée au départ en tant que membre du Tavistock Institut puis ensuite en tant que consultant indépendant, au sein de la Glacier Metal sera en quelque sorte le laboratoire d'Elliott Jaques. Il y élaborera une méthode d'analyse et d'intervention, la socio-analyse (1.) ; il y produira ses principales observations et analyses d'influence psychanalytique sur le fonctionnement des groupes et les résistances au changement (2.). La Glacier Metal Company sera enfin à la source de la théorie générale sur le comportement humain et organisationnel que Jaques propose et qu'il situe lui-même, de manière un peu provocante, comme la seule théorie prédictive produite à ce jour dans le champ du management (3.).
Sans être disjointes, car reposant sur le support commun de la Glacier Metal, les recherches d'Elliott Jaques peuvent cependant être regroupées selon deux phases distinctes. La transition entre ces deux périodes sera assez brutale et sera marquée par la rupture institutionnelle avec le Tavistock Institute qu'Elliott Jaques quittera en 1952, évoquant des désaccords théoriques ne lui permettant pas, à l'époque, de poursuivre ses travaux dans la voie qu'il envisageait alors (Jaques, 1998).
La première phase se caractérise par des recherches de nature compréhensive et analytique. Fortement ancrées dans le contexte duquel elles émergent (La Glacier Metal Company), ces recherches se caractérisent par la forte influence de la psychanalyse qui marque la méthode ainsi que la nature des résultats proposés. Le caractère pionnier de ces travaux contribuera à forger la notoriété académique d'Elliott Jaques, l'ouvrage le plus significatif et le plus célèbre de cette phase est celui de 1951 The Changing Culture of a Factory. Les deux premières parties de notre présentation s'attacheront à mettre en lumière les contributions majeures de cette première étape de l'œuvre d'Elliott Jaques.
La deuxième phase est, quant à elle, marquée par des travaux de nature normative et prescriptive. D'abord influencé par les travaux sur la dynamique des groupes, il s'en éloigne pour orienter ses recherches vers ce qu'il qualifiera de modèle scientifique rigoureux du développement humain. L'ambition de Jaques, affichée comme telle, est de formuler une théorie générale et universelle de « la bonne organisation » : une organisation qui permet à la fois l'efficacité de l'entreprise et l'épanouissement de l'individu. Elliott Jaques s'appuie sur les résultats issus de son expérience à la Glacier Metal Company, il les complètent par de larges études par questionnaires dans de nombreux pays et par son expérience en tant que consultant auprès de diverses firmes. Ces travaux, académiquement controversés, jouissent cependant d'un large écho dans l'univers du conseil et auprès des responsables d'entreprises. L'ouvrage le plus populaire de cette période est sûrement Requisite Organization de 1988. Il synthétise l'ensemble des conclusions et préconisations d'Elliott Jaques en matière de « bonne organisation ». La troisième partie de cet article sera donc consacrée aux principaux résultats que Jaques considère comme l'aboutissement de sa démarche de recherche sur les organisations.