Résumé
« En substituant l'absence à la preuve directe, Kourtney Roy souligne les impossibilités d'un discours d'évidence sur ces vies « minuscules » qui n'attirent jamais l'attention. En Colombie Britannique (Canada), depuis 1969, c'est-à-dire pendant plus de 50 ans, les meurtres vont s'étaler dans le temps. Des dizaines de femmes et de filles vont disparaître, quelques unes seront retrouvées mortes, dispersées le long de ce que l'on appelle désormais « l'autoroute des larmes ». <br /> Disparitions et crimes en majeure partie non élucidés.<br /> Ainsi ce transport ne sera en rien la description pittoresque du Grand Nord. Roy nous met à l'épreuve de percevoir, depuis des lieux vides en eux-mêmes et sans vie apparente, une humanité sacrifiée et reléguée.<br /> Face au déni d'une société, le rôle que Kourtney Roy accorde à la photographie est de s'attacher, malgré tout, à partager une douleur et à faire ressentir une tension qui ne peut trouver d'exutoire que dans le drame : une histoire sans cesse répétée d'échecs, de marginalisation et d'exclusion. La vie dans laquelle des femmes et des filles, majoritairement autochtones, ont été prises au piège, imposée, éclatée et fragilisée bascule dans le fait-divers. Le spectateur ne peut être qu'un témoin sidéré face à la catastrophe féminicide, abasourdi parce que connaissant dès le commencement l'origine du crime. Il entrevoit sans aucun doute la mécanique de la disparition. Le récit photographique, calme, sans illusions sur sa portée, n'accueille aucun éclat. Sur un tempo lent, on suit étape par étape un chemin de croix, le calvaire des exclues, qui n'est que la conséquence de la violence machiste et raciste. Étonnant propos que cette série, sans heurts, d'une grande simplicité, décrivant des lieux qui s'enchaînent sans lyrisme mais jamais plat. La mise en récit par l'image est dans l'impossibilité de dire directement le désordre du monde. Ce dernier est essentiellement nocturne, flouté par le brouillard ou les incendies de forêt, c'est-à-dire qu'il échappe au regard, définitivement rétif à la photographie. Il faut faire avec ! Alors le médium retrouve sa qualité première, le silence qui accompagne la violence, dans ce qui ne peut s'énoncer ouvertement. Entre pick-ups abandonnés, neige salie et intérieurs ordinaires se dessinent les arrêts du destin. Exit only.» François Cheval, extrait.