Résumé
« Il est dans les romans de M. Conrad un mot qui frappe l'oreille à maintes reprises avec une résonance particulière : le mot "mystérieux". Son univers et l'humanité qui l'habite semblent Ensorcelés sous son regard, celui d'une magnanimité sombre et mordante.
Beauté et bonté, parmi les périls d'un monde hostile, se pénètrent de la lumière de sa compassion. Le mal, impossible à reconnaître par les moyens ordinaires, est tenu sous l'impitoyable faisceau lumineux de sa haine et de son mépris. »
Walter de la Mare
«Je pus alors enfin, la conscience pure, fermer ma porte et faire revenir mon double dans la partie en retrait. Il n'y avait aucune autre possibilité. Il lui fallait rester absolument immobile sur un petit pliant, à demi étouffé par les lourds vêtements suspendus là.
Nous entendîmes le steward entrer dans la salle de bains par le salon, remplir les cruches, récurer la baignoire, remettre chaque objet à sa place, aller et venir, racler, taper, repartir par le salon, tourner la clef, clic ! Tel était mon plan pour rendre mon alter ego invisible. Compte tenu des circonstances, on ne pouvait pas faire mieux. Et nous étions assis là ; moi à mon bureau, prêt à avoir l'air occupé avec des papiers, lui derrière moi, invisible de la porte. Il n'eût pas été prudent de parler pendant la journée ; et je n'aurais pas pu supporter l'étrange et énervante sensation de m'entretenir avec moi-même en chuchotant. De temps à autre, jetant un coup d'oeil par-dessus mon épaule, je le voyais de loin, très raide sur son petit tabouret, les pieds nus rapprochés l'un de l'autre, les bras croisés, la tête basse, absolument immobile. N'importe qui l'aurait pris pour moi.