Résumé
L'auteur nous propose une excursion dans l'histoire du mouvement national basque en empruntant un moyen de transport inhabituel: l'art culinaire, qu'il expérimente en prison en même temps que l'art de la débrouille.
Les expériences culinaires qu'il nous propose ont été conçues et mises en pratique par Josu Urrutikoetxea alors qu'il était incarcéré au centre de détention du Muret (Haute-Garonne) de 1991 à 1996.
Si la plume, les études... et la grève de la faim ont permis aux prisonniers politiques basques de défendre leurs droits et de conserver l'espoir et la dignité, la gastronomie pratiquée avec les moyens du bord, le système D, est également une forme puissante de résistance.
Ce livre est aussi l'occasion pour l'auteur de revisiter son engagement dans l'ETA («Pays basque et liberté»), organisation née à l'époque des ténèbres franquistes, alors que la culture et la langue basques ainsi que toutes les libertés démocratiques étaient férocement réprimées.
L'ETA est née parmi la génération des enfants des Basques qui avaient perdu la guerre contre le franquisme et la bataille du démantèlement du régime lors de la transition après la mort du dictateur.
La préface de Gerry Adams, leader du Sinn Féin irlandais, aujourd'hui première force politique en Irlande, au nord comme au sud, situe la lutte de libération nationale basque dans un contexte international.
L'entretien réalisé par Eva Forest - éditrice et écrivaine, emprisonnée, elle aussi, par la dictature franquiste, accusée d'avoir participé à l'assassinat de Carrero Blanco, le dauphin de Franco -, avec l'auteur, alors incarcéré à Madrid, est l'occasion pour ce dernier d'expliquer comment la cuisine était devenue un moment de résistance, mais aussi de parler plus généralement de l'univers carcéral.
L'auteur nous rappelle que le mouvement abertzale a constamment cherché à mettre un terme à l'affrontement violent et mis en avant la résolution du conflit par la voie de la négociation. Ce processus a été marqué par plusieurs tentatives de négociations: en 1989 à Alger, en 1998 à Zurich, en 2005 à Genève et en 2011 à Oslo. Josu Urrutikoetxea a participé à trois de ces quatre rencontres de pourparlers.
Malgré le tsunami répressif déclenché contre les mouvements basques durant la transition, leur légalisation en a fait la première force politique du Pays basque aux élections législatives de 2023 après avoir été la première en nombre d'élus municipaux. C'est notamment grâce à l'implication de la société civile du Pays basque nord que le désarmement a eu lieu et que l'ETA a pu prononcer son autodissolution, en 2018, notamment par la voix de l'auteur.
Alors que les fascistes reviennent en force dans les urnes en Espagne, le livre nous rappelle que le régime de la transition entamée en 1978 n'a pas complètement rompu avec les structures héritées du franquisme, la réintégration des 150 détenues et détenues n'est toujours pas garantie et que la langue continue à subir les attaques d'un appareil judiciaire conservateur, souvent accusé de céder aux sirènes d'extrême droite, sans parler de la police et de la garde civile.
«Josu est particulièrement intéressé par les traditions orales de la bonne chère, à un moment où la société de consommation de masse méprise globalement l'oralité. Un souci premier, presque une obsession, peut être isolé?: les veillées de paysans (le plus souvent transpyrénéens) où s'échangeaient toujours les mêmes mets avec les ajouts, des nuances sans cesse renouvelées.»