Résumé
En 1990, Felix Gonzalez-Torres découvre l'exposition personnelle de Roni Horn au MOCA (Los Angeles), et plus particulièrement Gold Field (1982), une œuvre aujourd'hui mythique : un tapis rectangulaire, posé au sol, réalisé avec des feuilles d'or. Profondément marqué par la simplicité, la force et la beauté de cette œuvre, Felix Gonzalez-Torres rencontre finalement Roni Horn en 1993 et partage avec elle l'impact bouleversant que son œuvre a produit sur lui. Quelques jours après cette rencontre, elle lui envoie un carré d'or comme signe d'amitié naissante. En réponse, Felix Gonzalez-Torres réalise Untitled (Placebo-Landscape-for Roni) (1993), un déversement de bonbons emballés dans du cellophane doré qui sont pour lui « un nouveau paysage, un horizon possible, un lieu de repos et de beauté absolue. » À son tour, Roni Horn répond avec Gold Mats, Paired - for Ross and Felix (1994-1995), deux feuilles d'or placées l'une au-dessus de l'autre. Leur amitié est scellée.
Dans la continuité de cet échange créatif, nourri pendant plusieurs années et brutalement suspendu avec la mort de Felix Gonzalez-Torres, l'exposition de la Bourse de Commerce est rendue possible grâce à l'implication et à la complicité exceptionnelles de Roni Horn. Entre installations, photographies et sculptures, le dialogue des deux artistes se perpétue à travers une série d'œuvres à la beauté fragile et à l'extrême puissance émotionnelle, tout en miroir et en lumière, avec la conviction que « l'acte de regarder chacun de ces objets est transfiguré par le genre, la race, la classe social et la sexualité » (Felix Gonzalez-Torres).
Au cœur de leur travail, et dans cette exposition en particulier, il s'agit donc de saisir le caractère « intermédiaire » de l'existence, la dimension d'entre-deux, prise dans cette tension entre présence fragile et irréductible disparition. Le dialogue entre les œuvres de Roni Horn et de Felix Gonzalez-Torres s'ancre dans le balancement entre ces deux polarités, entre vie et mort, entre le public et le privé, le personnel et le social, « entre la peur de la perte et la joie d'aimer, de croître, de changer, de devenir toujours plus... » (Felix Gonzalez-Torres interviewé par Tim Rollins, in Felix Gonzalez-Torres, New York, A.R.T. Press, 1993).