Résumé
La Vie que Giorgio Vasari lui consacra en 1550 fut la toute première biographie d'Andrea Mantegna, grand nom de la peinture du Quattrocento, dont l'Arioste avait chanté la gloire dans le Roland furieux.
Cette Vie, brève et lacunaire, fut implicitement critiquée par un chanoine de Padoue, Bernardino Scardeone, dans l'ouvrage qu'il fit imprimer à Bâle en 1560 : De antiquitate urbis Patavii et claris civibus patavinis.
Aux erreurs et aux insuffisances de Vasari, Scardeone opposa un portrait entièrement nouveau des années d'apprentissage de Mantegna, dont il revendiqua l'origine et la formation padouanes, après avoir tiré de l'oubli la figure de son vieux maître, Francesco Squarcione.
Vasari retoucha donc à son tour, dans la seconde édition des Vite, l'image qu'il avait tracée de la jeunesse d'Andrea.
L'on doit à ce dialogue parallèle des deux écrivains l'anecdote qui met en scène Squarcione blâmant son disciple d'avoir peint, aux Eremitani de Padoue, des personnages semblables à des statues antiques colorées, impassibles et privés de la douceur des chose naturelles, thème dont l'écho se retrouvera jusque dans un passage célèbre de la Recherche du Temps perdu.
Chez Mantegna, il est vrai, les arcs, les inscriptions grecques et latines, les frises rompues, les marbres, les montagnes fantastiques pénétrées de carrières ombreuses, les citadelles au loin paraissent faits de toute éternité pour s'accorder aux destinées d'une humanité de pierre.
L'auteur des Vies ne goûtait guère cette poétique absolue de l'immobile, de la roche et de l'Antiquité, lui préférant l'autre face du génie d'Andrea, sa virtuosité dans l'exercice de la perspective, son inépuisable tendresse pour le détail. Les Vies des plus excellents architectes, peintres et sculpteurs italiens parurent à Florence en 1550, sur les presses de Lorenzo Torrentino.
Cette première version comprenait un peu plus de centtrente biographies, ordonnées suivant le développement de trois périodes de progrès successives : le temps des prémices, Dugento et Trecento; l'époque révolutionnaire du Quattrocento; le triomphal Cinquecento, qui s'ouvre sur Léonard, Giorgione, Corrège, Bramante, et que domine le génie de Raphaël. La Vie de Michel-Ange couronnait ce vaste édifice.
En 1568, Vasari fit paraître chez les Giunti une seconde édition de son livre.
La matière de l'ouvrage s'y trouvait considérablement augmentée par l'apparition d'une vingtaine de biographies nouvelles, d'autant plus précieuses qu'elles concernent de grands contemporains de l'auteur : Beccafumi, Bandinelli, Pontormo, Titien...
Cette richesse profuse de la Giuntina lui a toujours valu la préférence.
La Torrentiniana, pourtant, offre le texte originel, celui dans lequel s'est cristallisé le dessein historique et critique des Vies.
Jusqu'à ce jour, il n'en existait aucune version française.
Le lecteur trouvera ici la double Vie que Giorgio Vasari consacra à AndreaMantegna, accompagnée d'une traduction française entièrement nouvelle et d'un appareil critique original.